samedi 24 février 2018

Dans mon quartier - Ode à l'errance et à la curiosité

  • Auteur : Nils Chertier (Grimmelda)
  • Support : RPG Maker XP
  • Langue : Français
  • Plateforme : Windows

      Si aux Alex d'Or 2016, le jeu "Dans mon quartier" n'a pas réussi à atteindre le podium final, je lui ai attribué la meilleure place de mon classement personnel dès que j'ai mis la main dessus. Alors l'idée n'est pas de dire que les Alex d'Or l'ont sous-noté (le jeu a tout de même remporté de nombreux awards). En fait, je comprends totalement pourquoi il n'a pas eu le succès que je lui prévoyais, parce que je pense que c'est un jeu déroutant qui peut charmer tout comme il peut dégoûter.
      Du coup, j'avais envie de vous raconter comment ce jeu m'a transporté. En espérant que cela arrive à vous charmer aussi.





Site internet
  • Genre : Exploration
  • Thème(s) : Mystères, combat contre l'ennui, exode rural...
  • Durée approximative : Variable (~8H)
  • Poids du jeu : 200Mo
  • Avancement du jeu : Terminé
  • Soluce officielle : Lien

      Dans mon quartier nous fait vivre l'absence d'aventure de Anton, l'un des derniers habitants de Chailles, village reculé qui fait face à une désertification de plus en plus importante. A Chailles, la plupart des services publiques et des commerces ont fermé, mais Anton a toujours le droit de s'adonner à son activité favorite : lire son journal. Malheureusement, le jeu commence avec celui-ci qui apprend qu'il ne recevra plus son fameux journal. Vous voilà alors, tout comme Anton, seul dans la ville de Chailles, et vous allez devoir occuper vos journées... sans journal.


Déconcertant

      Ce qui est sûr, c'est que dès que l'on découvre le jeu, Dans mon quartier surprend. Les descriptions du projet s'accordent à en dire le moins possible, comme pour cacher ce qu'il est vraiment. Et malgré cet "ennui" décrit un peu partout, ces 8H de jeu annoncées et les retours élogieux trouvables sur le net donnent envie de découvrir ce qui se cache sous ce camouflage présumé.


Un jeu intriguant jusqu'à son message préventif d'installation.


      In-game, ce sentiment de "je n'ai aucune idée de ce qu'est ce jeu" ne s'estompe pas de si tôt. Comme écrit plus haut, on commence à jouer Anton alors qu'il va chercher son journal et qu'il ne le trouve pas. On l'emmène alors jusqu'au bâtiment de la poste pour découvrir que le postier démissionne et que le journal ne passera plus par le village. On est alors tenté de se rendre à la mairie mais rien y fait, madame la maire nous explique ce qu'on avait déjà compris : le village est à l'agonie, il ne vit plus, et on ne peut même plus y lire son journal. On sort de la mairie et voilà. On nous libère de tout objectif et par conséquent, on ne sait pas quoi faire. On a l'impression qu'il n'y a rien à faire.
      Rien à faire, vraiment ? Et bien en fait pas totalement. On peut commencer par découvrir et visiter le village, et c'est ce qu'il faudra faire : le découvrir en profondeur. En se baladant, on tombe vite sur des "mystères", des histoires du village à comprendre, des secrets à découvrir...


      Ces mystères sont au nombre de 20 et constituent les différentes quêtes à accomplir pour finir le jeu. Alors on se prend à l'idée et on se demande "Pourquoi le boulanger est parti si précipitamment il y a plusieurs années ?", "Est-ce que je peux réussir à faire fonctionner le moulin de la ville ?" ou "Qu'est-ce qu'on peut trouver dans ce club VIP ???"
      Pour résoudre ces mystères, le jeu ne nous tient pas la main. Il faut récolter des objets, savoir où les utiliser et comprendre peu à peu le fonctionnement de la ville. Il faudra donc tester des choses, parfois absurdes (le jeu peut l'être) pour résoudre énigmes et aventures. On développe alors l'envie de rentrer dans chaque maison de Chailles pour voir ce qu'elle peut cacher car on comprend vite que chaque maison peut dissimuler quelque chose.


Bon, là, vu comme ça, on se dit que c'est pas gagné


      Personnellement, j'aime beaucoup cet effet "on lâche le joueur et à lui d'apprendre" mais il y a un gros défaut à ça : on peut facilement se retrouver bloqué si notre esprit ne pense pas comme celui du créateur. Plus encore, Dans mon quartier a ce défaut d'avoir une bonne partie de ses mystères infaisable si certains n'ont pas encore été terminés. Pour être plus précis, certains mystères vont permettre d'en débloquer d'autres, mais si on ne trouve pas les premiers, on se retrouve à errer dans Chailles sans pouvoir rien faire.
      Heureusement, le jeu est fourni avec une soluce qui permettra de vous orienter à vos débuts ou vous aider pour les derniers mystères qui vous semblent introuvables. Bien sûr, la soluce est à utiliser avec parcimonie, l'intérêt du jeu étant d'abord de flâner dans Chailles à la recherche de quoi s'occuper. Simplement suivre une soluce enlèverait tout intérêt et satisfaction à chaque mystère résolu.


Une aventure simple, calme et poétique

      Je pourrais vous détailler un peu plus le gameplay, les outils/actions déblocables qui permettent de découvrir encore plus précisément le village de Chailles. Je pourrais parler du fait qu'Anton ne sera pas toujours seul dans cette ville qu'est Chailles et à quel point c'est super de redécouvrir le village et certains mystères sous un angle différent (comprendront peut-être ceux qui ont déjà joué). Je pourrais également vous parler de la vie contée du scorpion (un des personnages du jeu) qui est accompagnée d'une très jolie narration qui envoûte le joueur de la même manière qu'a pu le faire un To the Moon.
      Mais du coup non, même si j'ai beaucoup aimé ces aspects, j'ai encore plus préféré la tranquillité de ces vingt petites histoires de laquelle on dégage une certaine poésie.
      Il y a une diversité folle dans les mystères de Chailles. Si certaines aventures sont bien ancrées dans le réel et demandent simplement de découvrir les petits secrets des voisins d'Anton, d'autres partent totalement dans l'imaginaire, et nous font faire des rencontres incroyables. Cependant, l'un des mystères qui m'a le plus marqué dans ces quêtes insolites, c'est sans doute le plus court et le plus simple.




      Dans les prochains paragraphes, je vais donc spoiler le deuxième mystère de Dans mon quartier mais rassurez-vous, même si le jeu vous intéresse, c'est un spoil très mineur. Vous continuez de lire ? Bon, ok, alors allons-y. Le deuxième mystère se nomme "Lieu silencieux" et l'objectif est donc de trouver le lieu le plus silencieux du village de Chailles... Ok rien d'étonnant. Ce lieu, c'est simplement l'ancien collège abandonné dans lequel il suffit de rentrer et c'est bon, le mystère est résolu.


      C'est tout. Face aux mystères bien plus impressionnants et mystérieux, un collège abandonné m'a suffit, mais je pense que c'est parce que celui-ci reflète bien l'univers général de Dans mon quartier. Chailles est un paysage figé dans lequel on peut se déplacer en toute liberté et où l'on peut passer tous les obstacles qui normalement devraient nous bloquer. Le jeu nous permet alors de fouiller les environnements et les histoires comme un fantôme curieux qui mènerait ses petites enquêtes.
      Dans ces paysages figés, le collège est un bâtiment où l'on découvre des salles de classe avec des cours encore partiellement écrits au tableau, des salles de svt où les papillons autrefois enfermés ont pu s'échapper, et même des tags qui sont aujourd'hui comme sanctuarisés. Rien est expliqué, tout est silencieux, mais on sent que de par ses souvenirs et ses histoires, cet environnement mort reste pourtant bien vivant.

      Et c'est ce qui m'a séduit dans Dans mon quartier, cette légèreté, ce calme, cette retenue qui arrive à nous faire apprécier un simple silence, une petite phrase qui en dit long, ou un objet mis en avant qui nous fait rêver. Une poésie se dégage de tout ça que je ne pourrais malheureusement pas vous retranscrire. Je pense qu'il faut se laisser charmer en y jouant.


Alors dis-nous Yuko, que penser de Dans mon quartier ?

      Dans mon quartier est une ode à la curiosité. Avez-vous déjà eu envie d'être minuscule ou invisible et pouvoir tout découvrir ou tout espionner ? Traverser les serrures pour voir quel type de vie ont vos voisins et fouiller leur histoire dans une pure bienveillance ? Alors Dans mon quartier devrait vous plaire.
      J'ai volontairement fait en sorte d'en dire le moins possible par rapport aux mystères du jeu, parce que je ne voulais pas gâcher toutes les surprises de ce dernier. Je pense cependant avoir bien introduit le concept du projet et pourquoi celui-ci se classe comme une oeuvre à part entière qui arrive à faire ressentir des tonnes d'émotions au joueur, bien plus qu'en combattant des dragons géants pour sauver le monde.

Le jeu ne brille pas par un gameplay révolutionnaire ou des phases de jeu trépidantes, mais par une justesse dans le monde que Nils Chertier a créé puis mis sous cloche.


      La curiosité comme motivation, l'errance comme moteur.
      Dans mon quartier est une expérience qui se démarque des autres jeux et qui propose, tout en simplicité, l'un des meilleurs voyages qu'il m'ait été donné de faire à travers un jeu RPG maker. C'est une petite île perdue que peu de gens connaissent et qu'il faut explorer pendant un certain temps avant de pouvoir l'apprécier. C'est pour ça que je pense que tout le monde n'a pas accroché à Dans mon quartier : alors que l'on est à la recherche de toujours plus impressionnant, toujours plus innovant, Nils Chertier propose une aventure simple, calme mais authentique.
      Alors oui, on est loin des grandes aventures des jeux RPG maker qui cherchent à constamment nous stimuler. Ces jeux où l'on traverse les continents et où l'on affronte les armées. Au contraire, Dans mon quartier nous apprend à nous ennuyer, à nous laisser seul, à errer sans but. On marche au ralenti, en ayant peur de s'ennuyer puis finalement, on réapprend à respirer et à apprécier de simples choses.

2 commentaires:

  1. Bel hommage !
    Ce jeu est une grosse claque en terme de narration, à la fois subtile et poétique.
    J'avais malheureusement pas surmonté ce sentiment de blocage que tu mentionnes, mais ça me donne carrément envie de m'y remettre.

    Je trouve ça super que tu parles de ces jeux qui ne sont pas appréciés à leur juste valeur. Tu l'avais déjà fait pour Symposium. Continue comme ça ^^

    Aminomad

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    Réponses
    1. Merci beaucoup de ton commentaire !
      C'est vrai que je prends plus de plaisir à écrire des articles défendant ou promouvant des jeux méconnus plutôt que des articles sur des jeux que tout le monde apprécie.

      Pour le coup, on peut pas dire que personne n'aime dans mon quartier non plus vu qu'il a quand même eu un certain succès ! Au contraire, Symposium avait même pas passé les pré-tests alors que je lui aurais filé un award narration/histoire direct perso haha !

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